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Photo du rédacteurDominique Jacques ROTH

Une société où la violence se banalise


La révolte consécutive à un débordement policier est le résultat d’une complexité sociale rarement atteinte. Incivilités policières et incivilités privées rivalisent pour atteindre un point d’acmé difficile à pacifier. En regard, une professeure des écoles en REP notait récemment qu’une majorité des élèves de sa classe avaient un parent incarcéré. L’effort n’a pas été produit sur les générations antérieures, elles-mêmes en carence éducative.


L’action capitaliste, soumise à la stricte condition que toute logique collective en termes de bien public et d’intérêt général soit absente de son calcul, trouve son expression soudaine dans le déferlement d’une violence aveugle en miroir de la violence néo-libérale. Pour ne prendre qu’un exemple deux années de travail supplémentaire à raison de trois morts journalières par accident du travail augmentent les décès de plusieurs milliers par an. La paix et la justice sociale sont incompatibles avec la déprédation de la nature et l’exploitation du vivant. Après la séquence des Gilets jaunes et les manifestations d’ampleur inédite contre la réforme des retraites, la dissolution des soulèvements de la Terre, la criminalisation des mouvements écologistes et le retrait de l’agrément d’Anticor, la colère des quartiers déshérités de la République est toujours politique parce qu’elle relève d’une expérience partagée de la dépossession et de l’injustice qu’une « traversée de la rue » ne saurait enrayer. L’impuissance des forces de l’ordre pour contenir les exactions qu’aucune parole ne peut plus endiguer est une nouveauté en lien avec l’impuissance à traiter un malaise enkysté depuis des décennies. En mêlant l’exploitation à la violence, toute pensée critique est éliminée du périmètre des intérêts immédiats d’un pouvoir autoritaire.


Du côté de la défiance de la population vis-à-vis de la police, un journaliste connu a pu se plaindre de l’attitude agressive de policiers qui le tutoyaient lors de contrôles d’identité en France, tranchant avec le comportement courtois des forces de l’ordre dans d’autres pays. La France, qui n’a jamais pu se départir de sa tradition jacobine, se distingue par les rappels à l’ordre de l’Union européenne tant sur ses pratiques policières que sur sa gestion du risque climatique et l’État a été condamné pour fautes par le Tribunal administratif de Paris qui reconnait « un préjudice écologique » résultant de la contamination par les pesticides. La multiplication des attaques contre les journalistes et les militants participent du recul démocratique initié par un gouvernement totalement déconnecté des enjeux essentiels différant des intérêts immédiats d’un capitalisme mortifère.


L’éthique néoli­bérale ne confine pas au bien commun mais à l’accumulation de tout par tous les moyens quelles qu’en soient les conséquences. Une société qui ne sait plus éliminer ses déchets, où l’eau, l’air et les aliments sont pollués, une société où la violence se banalise sous de multiples aspects, dans laquelle la vente d’armes est justi­fiée par les profits et les emplois créés, mérite-t-elle le nom de civilisation ? Que de jeunes mineurs se déchainent ainsi est la manifestation inédite d’un retour du refoulé au sein même du réel


Publié le lundi 3 juillet 2023 Tribune de l'Humanité

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