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Photo du rédacteurDominique Jacques ROTH

OPA sur la santé

Dernière mise à jour : 30 mars 2020




Dès 1932, Bergson évoquait une « humanité à demi écrasée sous le poids des progrès qu’elle a faits. Elle ne sait pas assez que son avenir dépend d’elle. A elle de voir d’abord si elle veut continuer veut continuer à vivre ».[1] Autrefois vectrice d’espoir (elpis), la technosphère, qui porte en soi le meilleur (kalon) et le pire (kakon), s’est désormais muée en culture de la honte (aïdos). Le rêve noétique s’est transformé en cauchemar anthropique et a fini par susciter la colère (nemesis). « Ce qu’invente l’humus humain pour sa pérennité d’une génération à l’autre »[2] ne fait pas l’objet des soins de l’agir néolibéral. L’humus n’est plus fertilisé. « La couche épaisse de terre végétale qui recouvre (…) le roc de la nature originelle »[3] n’est plus entretenue. Nos places urbaines, minérales, les déboisements tératologiques sont les symptômes manifestes de cette régression. En refusant de prendre en compte les multiples alarmes en provenance du corps médical et des hôpitaux depuis des années, l’incurie a gouvernementale conduit au chaos.

Le développement qui suit se fonde sur deux articles émanant du blog de Jean-Dominique Michel.[4]

Si la médecine actuelle est assez bonne pour traiter les maladies, elle reste très ignorante en matière de santé car l'étude des processus et conditions favorisant la santé (saluto-genèse) n'est pas enseignée aux médecins. Il faut oser le dire : ce n’est pas le virus qui tue le plus (il est bénin pour les personnes en bonne santé), mais les pathologies chroniques qu’on a laissé se développer depuis des décennies. 80% de l'ensemble des maladies dont souffrent les gens sont générés par nos conditions de vie, et seraient évitables si l’on s'en occupait réellement. C'est ce qu'indique la recherche actuelle, en particulier par la mise en lumière des liens entre le cycle métabolique (atteinte du microbiote - stress oydatif - inflammation chronique de bas grade) et l'ensemble des grandes pathologies non-infectieuses (maladies cardiovasculaires, diabètes, cancers, maladies dégénératives, neurologiques, auto-immunes et psychiatriques). La médecine consacre ses forces à soigner des maladies largement évitables, à grand frais pour les patients. C’est toute une superposition d'intérêts socio-économiques qui tire profit du système. L'économie de la maladie est un secteur juteux qui fournit du travail à une multitude d'acteurs allant des milieux modestes aux plus aisés en passant par toutes les strates de la classe moyenne ou ce qu'il en reste, déduction faite des primes d'assurance-maladie. Les soignants comme les administrateurs ou les formateurs sont dans leur grande majorité intègres et œuvrent avec abnégation dans des conditions difficiles au sein d'un système malade, mais les dérives néolibérales sont telles que la priorité n'est pas, quoi qu'en en dise, le bien du patient. La médecine hospitalière est actuellement plongée dans une crise si profonde que même les revues scientifiques les plus prestigieuses, pourtant économiquement dépendantes, tirent frénétiquement la sonnette d'alarme depuis quelques années. Manipulation des données et des normes, falsification massive de la recherche, invention de diagnostics pour pouvoir écouler de nouveaux médicaments, emprise d'intérêts privés sur les systèmes décisionnels publics, défaillances des autorités de surveillance et corruption systémique, sont les tristes scories d'un business visant à rendre captifs des pans entiers de la population. Dans un rapport datant de 2005 mais toujours d'actualité, la Chambre des Communes du Royaume-Uni posait un diagnostic sans détours : « L’industrie pharmaceutique trahit ses responsabilités à l’égard du public et des institutions. Les grandes firmes se sont de plus en plus focalisées sur le marketing, plus que sur la recherche, et elles exercent une influence omniprésente et persistante, non seulement sur la médecine et la recherche, mais sur les patients, les médias, les administrations, les agences de régulation et les politiques. (...) Elle s’est imbriquée dans tout le système, à tous les niveaux. C’est elle qui définit les programmes et la pratique médicale. Elle définit aussi les objectifs de recherche de médicaments sur d’autres priorités que celles de la santé publique, uniquement en fonction des marchés qu’elle peut s’ouvrir. Elle détermine non seulement ce qui est à rechercher, mais comment le rechercher et surtout comment les résultats en seront interprétés et publiés. Elle est maintenant hors de tout contrôle. Ses tentacules s’infiltrent à tous les niveaux. Il faut lui imposer de profonds changements. » Notre système de santé est une économie de la maladie. Tout le système est agi et piloté au profit d'une industrie dont l'influence, les marges et les bénéfices sont hors de toute mesure. Les médecins, les facultés de médecine et les hôpitaux sont de facto sous la coupe de groupes qui dictent les usages et les pratiques, tiennent le marché, financent les congrès médicaux dans le monde entier, contrôlant tant la recherche que la presse spécialisée. Les principaux déterminants d’une santé tiennent au mode de vie, à des facteurs relationnels, communautaires et existentiels. Les soignants, les indicateurs de santé le montrent, sont eux-mêmes en souffrance. En traitant la mauvaise alimentation, les pollutions, le stress, le manque de sommeil et la sédentarité -il y a bien sûr de gros intérêts financiers en jeu, il serait possible de faire baisser les primes d’assurance-maladie de 40 à 60% en cinq ans. Épidémio-logique! Si d'un point de vue sanitaire cela coule de source, le vrai problème est que les licences ont été confiées aux grands complexes industriels (agroalimentaire, pétrochimie, transports, pharmas) qui prospèrent en inondant le marché de produits endommageant ou détruisant la santé. Les particules fines, par exemple, représentent 430.000 morts et des dizaines de millions de malades en Europe et par an, soit l'équivalent de la population totale de la Suisse exterminée tous les 20 ans ! La malbouffe est la principale cause de maladie, toutes catégories confondues, 85% de l'assortiment alimentaire courant, vendu en supermarché, tombant dans cette catégorie. Couplés aux particules fines, les pesticides seraient la première cause d'explosion du nombre de cas d'autisme et avec le sucre, de maladies dégénératives. La chimie toxique représente plus de 100.000 substances dangereuses qui circulent dans l'environnement comme dans nos maisons et nous empoisonnent jour après jour. Les médicaments et les traitements médicaux inutiles ou mal prescrits sont la troisième cause de mortalité en Occident ! Le stress au travail est une épidémie qui fragilise la santé de près de la moitié des travailleurs sans que l'on s'en soucie sérieusement. L’ensemble de ces pathologies avec les accidents de la circulation et les suicides causent 20 millions de morts dans le monde. Le constat est cinglant : les consortiums qui contrôlent la quasi-totalité de la production agricole, de l'alimentation, de la chimie, de l'énergie, des transports, des médias, de la publicité et des médicaments, prospèrent sur nos cancers, nos infarctus, nos AVC, nos diabètes, Alzheimer, Parkinson, dépressions et autres scléroses en plaque. La voracité des lobbies soudoyant la démocratie avec des pratiques systémiques de corruption institutionnelle est inspirée de celles inventées par l'industrie du tabac. La lenteur des dégâts est intimement liée au temps politique. Si le terrorisme faisait des dizaines de millions de victimes par an en Europe, nous serions sur pied de guerre avec des militaires à chaque coin de rue. Mais dire que des millions de citoyens meurent à petit feu, empoisonnés par des traitements et des médicaments inutiles, qui ne devraient même pas être sur le marché, serait « noircir le tableau » et affaiblir l’économie. Malgré les progrès de la médecine, force est de constater qu’une lourde charge de maladies chroniques obère une vie saine, vieillissement compris, requérant une autre approche de la santé. Ce vacillement, dit Bernard Stiegler, est « un trouble sur le sol meuble et finalement toujours mouvant sur lequel les constructions trop lourdes et considérables finissent par s’effondrer dans l’anthropie. »[5] Nous venons de voir que les maladies chroniques (pollutions, malbouffe, stress, sédentarité), qui sont les quatre plus grands facteurs à l'origine des maladies chroniques seraient évitables à 80% si nous nous donnions les moyens de protéger la population plutôt que de sacrifier sa santé au profit d'intérêts industriels, des facilités coupables ayant été accordées depuis des décennies à des industries hautement toxiques au détriment de la santé publique.

S’agissant de l’épidémie Covid-19, le décompte des morts brandis jour après jour ne veut rien dire. Seul un dépistage systématique de la population permettrait l’obtention de données fiables. La mortalité réelle due au Covid-19 devrait s'établir au plus à 0,3% de la population et probablement encore moins, soit moins du dixième des premiers chiffres avancés par l’OMS. Les projections faites pour imaginer le nombre de morts possibles reposent sur un « forçage » artificiel et maximal de toutes les valeurs et coefficients. Elles sont faites par des gens qui travaillent dans des bureaux, devant des ordinateurs, qui n’ont aucune idée ni des réalités de terrain, ni de l’infectiologie clinique, aboutissant à des fictions absurdes. Le paradoxe tient à la très grande innocuité du virus pour l'immense majorité des gens et sa dangerosité extrême dans certains cas. Seul le nombre de lits en soins intensifs pose problème en cas d’encombrement des services de réanimation se poursuivaient. La capacité des hôpitaux en lits de soins intensifs et en matériel de réanimation a diminué partout au cours de la décennie écoulée. Les statistiques montrent que les pays les plus touchés sont ceux qui ont réduit massivement les capacités des services de soins intensifs.


Les mesures adoptées pour faire face au Covid-19 ont été absolument contraires aux bonnes pratiques en Europe : renoncer à dépister les personnes possiblement malades et confiner la population dans son ensemble pour enrayer la diffusion du virus est une pratique moyenâgeuse problématique qui ne ralentit une épidémie qu’au risque de phénomènes de rebond potentiellement pires. Les mesures répressives s’apparentent au déploiement générique des forces de l’ordre à la moindre catastrophe pour prévenir toute révolte si d’aventure, les citoyens prenaient conscience de l’incurie des dirigeants. En matière d’épidémie, les recommandations de santé publique consistent en principe à dépister le plus de cas possibles, et de confiner uniquement les cas positifs le temps de leur contagion. Le manque de lits, de gel, de masques et de tests de dépistage est emblématique de l’impréparation des élites quand la Corée, Hong-Kong et la Chine en ont fait leur priorité absolue. Organiser leur mise à disposition eût été quelque chose de techniquement simple. Employer des métaphores guerrières engage moins les élites que de reconnaître une tragique impréparation. Le professeur Raoult trouva dans l’essai clinique chinois la confirmation que la chloroquine était aussi indiquée contre le Covid-19 que contre la plupart des coronavirus, dont le redouté SRAS de sinistre mémoire. Une étude publiée dans la revue Lancet le 11 mars a révélé que le temps de portage viral (durée entre le début et la fin de l’infection- et donc de contagiosité possible) s’avère supérieur à ce que l’on croyait, avec une durée moyenne de 20 jours alors qu’avec l’association hydroxychloroquine / azithromycine, cette durée est réduite à 4-6 jours, présentant des perspectives énormes pour prévenir la propagation du virus. Les réactions qui se sont fait entendre disputaient dans un premier temps la bêtise à la méchanceté. Même si les études chinoises, ni l’essai clinique marseillais n’ont valeur de preuve selon les critères de la recherche scientifique sans réplication des résultats par d’autres équipes, voire sans étude randomisée en double-aveugle, dans une situation d’urgence, la chloroquine étant l’un des médicaments les mieux connus et les mieux maîtrisés, il eut été possible de tabler rapidement sur une très solide expérience relative au sujet de sa prescription. Se réfugier derrière un intégrisme procédural est éthiquement indéfendable dès lors qu’on parle d’un médicament qu’on connaît par cœur, qui a déjà démontré son efficacité sur d’autres coronavirus, confirmée par deux essais cliniques, quand des vies sont en jeu. Le Pr Raoult a relevé avec ironie qu’il n’est pas impossible que la découverte d’une nouvelle utilité thérapeutique pour un médicament tombé de longue date dans le domaine public soit décevant pour tous ceux qui espèrent un prix Nobel grâce à la découverte fracassante d’une nouvelle molécule ou d'un vaccin… sans oublier la perspective des dizaines de milliards de dollars de revenus à prendre, là où la chloroquine ne coûte pratiquement rien. La médecine, comme toute sphère humaine étant souvent faite de mesquineries, de manipulations, de malhonnêtetés ou d’abus en tous genres, n’a pu se soustraire à de pitoyables et violents combats d’ego. Si la chloroquine est effectivement toxique au-delà de 2 gr/jour en l’absence de comorbidité somatique, le Pr Raoult et son équipe ont opté pour 600mg/jour, nulle équipe clinique ne connaissant mieux cette molécule que celle de Méditerranée-Infection. Y renoncer revenait à dire à une équipe de neurologues que le Dafalgan pouvait être toxique s’il était mal utilisé et que ce ne serait pas une bonne idée d'envisager de traiter les maux de tête avec ce médicament. D’autres insistèrent sur le fait qu’on ne peut tirer de conclusions définitives sur la base d’essais cliniques, ce qui est exact dans l’absolu mais s’applique mal à la situation rencontrée étant donnée la parfaite connaissance de cette molécule. Situation absurde résumée ainsi par le Pr Raoult : « Il y a une urgence sanitaire et on sait guérir la maladie avec un médicament que l'on connaît parfaitement. Il faut savoir où on place les priorités. » Face à la réalité de l'épidémie, il préconisait d’arrêter de s'affoler et de détecter les malades sans attendre que leur cas s'aggrave pour mieux les traiter. Emmanuel Macron étant venu le chercher après sa première annonce publique du 26 février, à la question posée par un journaliste de Marianne : « Etiez-vous entendu ? », il répondit : « J'ai dit ce que je pense, mais ce n'est pas traduit en actes. On appelle cela des conseils scientifiques, mais ils sont politiques. J'y suis comme un extra-terrestre. » Confiner chez eux des gens qui ne sont pas porteurs du virus est infectiologiquement absurde- le seul effet d’une telle mesure étant de détruire l’économie et la vie sociale. Un peu comme si l’on bombardait une ville pour en éloigner les moustiques porteurs de malaria… Partout en Occident, la décision a été prise de confiner les gens chez eux, malades ou non. Quand ils sont malades, on attend qu’ils aillent mieux puis on les laisse ressortir alors qu’ils sont encore contagieux ! Les personnes à risque, elles, peuvent développer une détresse respiratoire aiguë venant engorger les services de soins intensifs, et, pour certains malades, y mourir alors qu’on aurait pu les traiter avant. Confiner l’ensemble de la population sans dépister et sans traiter, est digne du traitement des épidémies des siècles passés. La seule stratégie qui fasse sens eut été de dépister massivement, de confiner drastiquement les positifs et/ou les traiter ainsi que les cas à risque. C’est ce qu’ont fait la Chine et la Corée, en intégrant l’association de dépistages massifs avec la prescription d’antibiotiques et de chloroquine dans leurs treatment guidelines. Ni Hong Kong ni la Corée, deux territoires qui ont connu les plus faibles taux de mortalité face au Covid-19 n’ont imposé de confinement aux personnes saines. Elles se sont organisées différemment. Des tests systématiques eurent été faciles à instaurer, pour autant qu’on en fît une priorité sanitaire et un choix stratégique, ce que les Coréens ont fait en un temps record. L’Europe elle, a été complètement dépassée. Ce qui vient de l’étranger serait-il indigne du génie français ?

[1] Henri Bergson. Les deux sources de la morale et de la religion. 1932, p. 338. [2] Jacques Lacan. Note italienne. 1973. [3] Henri Bergson. Op. cit., p. 83 [4] Jean-Dominique Michel, anthropologue de la santé, a œuvré pendant vingt ans comme expert en santé publique. Ayant exploré de nombreuses pratiques de soins en Occident et à travers le monde, il travaille aujourd’hui également comme thérapeute et formateur, et enseigne dans différents programmes universitaires et de hautes écoles. [5] Bernard Stiegler. Qu’appelle-t-on panser ? 2. La leçon de Greta Thunberg. LLL, 2020, p. 455.

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