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Photo du rédacteurDominique Jacques ROTH

Laïcité et "sentiment religieux"


69 % de nos compatriotes considèrent les caricatures de Mahomet comme une provocation parce qu’elles heurtent le "sentiment religieux », alors que le blasphème n'existe plus en droit français depuis 1881.


Autour de la loi de 1905 qui prescrit la séparation de l’Église et de l’État et protège la liberté de croire ou de ne pas croire, deux conceptions s’affrontent. L’une est représentée par régis Debray pour qui « réduire la liberté républicaine à celle de blasphémer, c’est transformer notre modèle en un contre-modèle pour les quatre cinquièmes de l’humanité et faire passer ce modèle pour ce qu’il n’a jamais été : l’instauration officielle d’un athéisme militant ». L’autre considère qu’il importe de s’attaquer à l’instrumentalisation politique de la religion par un islamisme radical violent ultra minoritaire, qui cherche à imposer la charia.


La religion ne devant en aucun cas pénétrer la République, la démocratie ne saurait tolérer un système dans lequel la discrimination ou la hiérarchisation entre les croyances feraient partie intégrante du droit. Séparer le politique du religieux n’implique pas une hiérarchisation de l’un par rapport à l’autre et réciproquement. Seulement une séparation. L’article 1 de la loi de 1905 définit un cadre juridique à la laïcité assurant la liberté de conscience, mais le terrorisme « religieux » de ces dernières années a suscité une ligne de défense de laïcité dite « radicale » ou un « athéisme de combat » brandissant un bouclier contre une idéologie fondamentaliste à vocation criminelle que les sourates al Baquara et an Nisa, appelant explicitement au meurtre des incroyants, ne démentent pas.


S’il importe de préciser qu’il y a des choses violentes dans tout intégrisme, dans le cas d’espèce, une confusion hautement inflammable résulte de la suspicion d’un islamisme radical mortifère stigmatisant des musulmans qui ne font que pratiquer leur foi, restreignant la loi « séparatisme » à la problématique islamiste. Elle provient aussi de l’amalgame entre croyance et savoir. Une croyance n’est ni un savoir ni une certitude. La certitude exclut la croyance. La certitude de l’existence de Dieu rend l’acte de croire inutile, radicalisant les postures.

Quant à la valeur épistémologique d'un sentiment, manquer de respect à un "sentiment" est-ce manquer de respect à une personne, ou à un dogme ? Assimiler le « sentiment offensé » à « l’exercice incorrect de la liberté d’expression » ou à une « provocation inutile », fait glisser la notion de « respect » à l’injonction de « responsabilité », relevant d’un chantage moral qui dénature l’esprit de la loi.


Prétendre que la phrase : « il insulte ma religion » signifierait : « il m’insulte », reviendrait à rétablir le délit de blasphème. Il importe de détacher le respect d’une « réalité » que Freud définissait comme une fiction investie d’affects, du respect de l’intégrité de la personne physique. Patrick Lévy soutient à raison que les dirigeants s’isolent quand ils disent n’importe quoi à propos de la laïcité. Mais on peut dire aussi, sans tordre l’esprit de la loi de 1905, que l’alibi du sacré soumis à la pulsion de mort transgresse les limites du respect de l’ordre public. Défendre l’intégrité physique des personnes et favoriser le développement de l’esprit critique importe davantage que le respect de symboles, fussent-ils religieux.


Remontons le temps… A qui ou à quoi le Chevalier de La Barre a-t-il manqué de respect ? Refuser de se découvrir lors d'une procession était-ce manquer de respect au « sentiment religieux » de fidèles qui ôtaient leur coiffe ? Voltaire, qui disait « si Dieu n’existait pas il faudrait l’inventer », était-il un « militant de l’athéisme » ou un « exalté de la laïcité » ?


Il n’apparaît pas que l’islamisme cultuel radical à visée politique, passablement exogène à la foi, relève de la protection accordée par la loi de 1905. La sacralisation de « sentiments » touchant à la religiosité trébuche comme en bien d’autres domaines, sur l’écueil de la confusion entre les croyances dont on peut rire et la certitude, qui, dans le pire des cas, exécute.

Dominique Jacques Roth

Psychanalyste


Dernier ouvrage paru : Comment les élites récusent le réel. Leurres & faux-semblants. Libre et Solidaire, 370 pages, 2020.


















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