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Photo du rédacteurDominique Jacques ROTH

La démence néolibérale


L’économie est exsangue mais les marchés financiers se portent bien. Les critiques portées contre le néolibéralisme, depuis peu, se radicalisent, incriminant la perte du sens des réalités, la destruction de la notion de bien public, la détérioration de la santé, l’atteinte aux libertés, la réalisation de profits éhontés concentrés en quelques mains, l’explosion des inégalités, la toute-puissance des multinationales avec la complicité D’États arrogants, méprisants, incurieux, tyranniques, etc. Pourtant l’idéologie néolibérale, inlassablement, continue à sévir malgré la misère, en dépit des pandémies et des désastres de grande ampleur qui se préparent. Vu l’aperçu que nous a donné le Covid-19 de ce que peut être une politique sanitaire mondiale, plus rudes risquent d’être les réactions engluées dans une servitude dont peu d’intellectuels ont repéré le caractère formel au sens d’être otage d’une forme, semble-t-il indépassable. 


Loin de récuser le caractère inédit et préoccupant du Covid-19, ce dernier a fait moins de morts que la pollution, pour ne prendre que ce seul exemple. Ayant, il y a plus d’un mois, écrit une courte lettre postée à deux ministres et à notre président pour exiger l’arrêt du GCO strasbourgeois, celle-ci à ce jour, est restée sans réponse. J’y disais que le département du Bas-Rhin est leader des AVC en France. Qu’à la faveur du confinement, le taux de pollution historiquement bas gagnerait à le rester sans quoi ces travaux ne manqueront pas d’augmenter de manière extrêmement sensible l’émission de particules fines qui favorisent les pandémies.


La conversion du président le 12 avril, « sachons sortir des sentiers battus, des idéologies, nous réinventer, moi le premier », aura été de courte durée. La nécessité de travailler davantage « après », qui n’a pas manqué d’être évoquée par le MEDEF, confirmée au ministère des Finances par la voix d’une secrétaire D’État quelques jours plus tard, indique que la démence néolibérale se poursuivra sauf à prendre réellement en compte le champ épistémologique singulier qu’est l’inconscient qui fonctionne spécifiquement selon le principe de jouissance.


« L’universalisme » néo-libéral est l’artifice  angélique destiné à leurrer les esprits crédules. Que peut bien signifier « l’Universel » devenu marché ? « Œil céleste » ou totalitarisme numérique ? Restaurer le souverain Bien transcendant la forme létale qui nous opprime est une entreprise titanesque. Une telle tâche implique la revitalisation du droit moyennant un « transfert » de travail au service du bien commun mondial comme le proposent Mireille Delmas-Marty ou Bertrand Badie. Le dessein est louable mais vu l’hallucinante brochette de dirigeants au pouvoir sur la planète, il est douteux qu’une nouvelle politique du monde respectant les communs voie prochainement le jour. Chacun peut constater à quel point des rationalités hétérogènes renforcent irréductiblement les « quant à soi » nationaux. La pensée juridique contemporaine, à l’exception peut-être de celle d’Alain Supiot, surmonterait-elle ces contradictions ? Je laisse les derniers mots à Pierre Dardot et Christian Laval : « d'une nouvelle architecture (mondiale), nul ne peut faire autre chose que d'en faire comprendre la nécessité et d'en conjecturer la possibilité »...


publié dans l'Humanité le 12-05-2020

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