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Photo du rédacteurDominique Jacques ROTH

Griveaux, une affaire de libido… mais laquelle ?

Dernière mise à jour : 5 juin 2020


Sans être dans l’illégalité, Benjamin Griveaux a tenu à retirer sa candidature pour la conquête de Paris. La jouissance, prix que l’humain est prêt à payer pour vivre, peut aussi être l’avatar de son inconséquence, l’inconscient pouvant être fourbe à l’occasion. La pulsion (de mort) aspire à l’objet en le ratant, en inscrivant l’échec. Les accointances du sexe et de la politique font une mauvaise publicité électorale. Si quelques abus ont conduit les politiciens à publier leurs revenus -parfois avec réticence-, ils n’assument pas publiquement leur sexualité. « Français, encore un effort si vous voulez être républicains ! » écrivait Sade.

Vouloir être absolument moderne (smartphone, iPhone sont des marqueurs de modernité), implique une prise de risque pouvant mener au vaudeville. Au-delà de l’épisode Griveaux, il importe de saisir ce qui se joue dans les tréfonds de la société, à l’intersection du sexe et du progrès en marche. Les exigences jouissantes de la science sont pour l’essentiel acéphales, insensées, dissociatives. La procréation, qui requiert encore l’union charnelle d’un homme et d’une femme, apparaît passéiste au regard des exigences de la modernité. La démesure scientifique, technique et marchande représente la marque du sexuel qui déborde le besoin dans le rapport que l’homme entretient avec la jouissance.

Le néolibéralisme entend nous faire aimer le progrès sans nous préserver de ses folies. Lewis Mumford disait que « le progrès ressemble à un véhicule qui ne possède ni volant ni frein, le seul organe disponible étant l'accélérateur ». L’ambition du dispositif technoscientifique vise à procéder « hors sexe », transformant l’enfant à naître en un « ob-jet » disponible, sans passer par l’acte sexuel. Des stocks de cellules pluripotentes sont réduits à un matériel de laboratoire sous alibi thérapeutique. Bouche-trou de notre manque à être, le progrès a toujours une réserve de projets mirifiques à opposer à l’immobilisme.

« Qu’on dise, reste oublié derrière ce qui se dit, dans ce qui s’entend » disait Lacan. Croire au progrès, c’est considérer une infériorité du passé (sexuel) par rapport à l’avenir (hors sexe). En rejetant les hommes et les femmes pour ne retenir que les gamètes, la technique montre comment elle traite le sexuel, réfutant la coupure. « On n’arrête pas le progrès » signifie qu’il n’est dans le pouvoir d’aucun humain de l’arrêter, comme si le progrès s’était émancipé de notre désir et échappait à toute maîtrise. On justifie l'innovation à tout crin pour remédier au constat d'un état critique du présent en supposant une pré-configuration d’un futur crédible et attractif hors sexe (pour la science). L’homme s’est ainsi voué à une forme de développement qui n’exige rien d’autre que la croyance en un progrès sans dessein réfléchi. Cet assujettissement ne constitue guère un gage de liberté, mais la donnée non négociable de notre servitude.

De quoi soumettre l'idée de progrès à elle-même pour la faire évoluer en tenant compte des effets produits à son insu. « Il faut vivre avec son temps », « on n’arrête pas le progrès », sont des injonctions qui élèvent l’innovation au statut de thériaque. Pour soustraire le monde à ses turpitudes ? En dépit de quelques résistances, la course folle sans finalité humaniste (« humanisme » est presque devenu un « gros mot », provoquant l’indignation, l’indifférence ou l’ironie) est validée sans cadre social et culturel capable d’en soutenir le poids.

A vouloir écarter le sexuel pour condescendre aux exigences de la « dé-science », celui-ci révèle son efflorescence dans la sphère intime… histoire de résister à la libido scientifique, technique et marchande ?

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