Faut-il s’étonner que la défiance vis-à-vis de l’État ait atteint des niveaux inédits ? Des séquences telles que « la finance est notre ennemi » ou « les masques sont inutiles », laissent des traces indélébiles.
Les élites prévariquées dont on suppose qu’elles nous indiquent la bonne direction, nous mènent au désastre d’une société autophage. Ignorant les alertes de l’OMS, elles voudraient nous persuader que la crise sanitaire n’était pas prévisible, ne cessant de déplorer les effets délétères dont elles ne cessent d’entretenir les causes.
La Cour européenne des droits de l’homme protège la liberté d’informer. Mais « protéger ceux qui sont censés nous protéger » en cherchant à « flouter » le visage de policiers qui commotionnent et énucléent, relève d’un terrorisme rampant « légal » qui s’attaque de front à l’État de droit.
Alors que les dépressions ont doublé entre le mois de septembre et le mois de novembre et que nombre d’étudiants se demandent comment s’y prendre pour se suicider, le gouvernement croit utile d’engager une loi de « sécurité globale ». En entendant conférer un statut de toute-puissance à la police, une ligne rouge vient d’être franchie ouvrant une autoroute à l’Etat totalitaire. Les prémisses de cette dérive se trouvent dans le glissement sémantique qui transforma insensiblement les « gardiens de la paix » en « forces de l’ordre ». Tout dernièrement, le ministre de l’Intérieur a soutenu qu’une parole de policier vaut plus qu’une autre parole. Dont acte.
Pointe acérée entaillant le principe même d’un service public officiant à visage découvert, la seule intention de « flouter » des agents du service public contrarie déjà la transparence que les citoyens réclament à cors et à cris. Les libertés publiques disparaîtront-elles à terme au profit de brutalités policières ayant vocation à demeurer impunies ?
Lors d’une manifestation, les policiers en place sont des citoyens frappant d’autres citoyens (et pas que les black blocs) pour protéger des personnes puissantes. Autant dire que l’esprit de la Révolution française gît dans les caniveaux. Aucun État européen autre que la France ne peut recenser un tel volume de blessures irréversibles infligé à des manifestants en l’espace de dix-huit mois. L’affect d’exaspération ayant pour ultime recours des rassemblements de masse dans les rues, ne sort pas de nulle part. Il est généré par un État qui définit son action en fonction des exigences du « Marché », ne comprenant pas qu’avec Coronavirus nous sommes en guerre contre nous-mêmes et que notre culture - et non la nature- dévoyée, prend l’allure tragique d’un adversaire sous-estimé.
Les élites (supposées) nous éduquent pour faire partie d’un troupeau docile. D’un point de vue sémiologique, fermer l’accès aux librairies indique à quel point la pensée devient une perturbation qu’il importe de supprimer au profit d’un ordre étatique de plus en plus intrusif. Comment ne pas constater que la conjonction des attentats et de la crise sanitaire engendre le déploiement sans précédent de mesures arbitraires échouant à restaurer la confiance, socle commun qui nous fait tant défaut ?
Qu’un virus tienne tête à l’humanité, engendrant l’hyperbole sécuritaire et le recours massif de la force publique, est un scénario qui n’a pu être envisagé par le dogme libéral. Quand le souci majeur d’un gouvernement n‘est plus ni le bien public, ni le malade, mais l’actionnaire, la découverte d’un vaccin faisant le bonheur de Big Pharma ne doit pas occulter que le capitalisme n’est d’aucun secours. Il n’a su éviter Covid-19, pas plus qu’il n’évitera les pandémies à venir, qui elles aussi, résulteront in fine de son action délétère.
Dominique Jacques Roth
Psychanalyste et auteur.
Dernier livre paru : Comment les élites récusent le réel. Leurres & faux-semblants. Libre et Solidaire. 370 pages, 2020.
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